« Le basket français ne peut rivaliser que sous forme d'exploits »


Greg BeugnotAu lendemain de l'élimination de l'ASVEL en quarts de finale de l'Euroligue par l'Olympiakos, Greg Beugnot dresse le bilan de la saison européenne et se prépare à plonger dans l'enfer des playoffs.

Que vous a-t-il manqué face à l'Olympiakos ?

Du vécu, de l'expérience. Le fait de ne pas avoir un championnat aussi dur que le championnat grec, dans l'engagement physique en particulier. Nous avons quand même réussi à compenser une certaine forme d'absence de taille, mais, et c'est la loi des grandes équipes, l'Olympiakos m'a paru bien protégé sur ce tour-là.

Le président Lefebvre s'est déclaré très surpris de certaines décisions d'arbitrage, en particulier à l'Astroballe. Le rejoignez voussur ce plan ?

Oui, parce qu'on a toujours tendance à dire qu'en Grèce, les arbitres n'ont pas la possibilité de siffler comme ils le souhaiteraient du fait de la pression médiatique, mais là on était chez nous tout de même. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous n'avons pas du tout bénéficié d'un arbitrage comme chaque club qui reçoit pourrait prétendre avoir. Donc, c'est vrai que c'est un peu désolant parce qu'eux ont eu droit au même arbitrage les deux fois : protecteur.

Pensez-vous que la pression qu'a mis lvkovie sur les arbitres a également joué ?

Oui, le fait d'être un coach reconnu, d'évoluer dans un gros club, le fait que ce soit le dernier club grec, c'est important tout de même.

Cela signifie-t-il aussi que LASVIEL, malgré son parcours, manque encore de reconnaissance au niveau européen ?

Sans doute. Elle peut l'avoir au début, lorsqu'on est dans les poules, elle peut l'avoir si elle est plus forte, mais elle ne peut plus l'avoir si elle joue contre une équipe qui a une plus grosse réputation. Quant aux déclarations des joueurs grecs à notre égard, je pense qu'ils faisaient moins les fiers à l'issue des deux matches. Et ça, c'est important. Ce que Komazec s'est permis de dire cette année, peut-être que la saison prochaine lorsqu'il retombera sur l'ASVEL, il ne dira plus du tout la même chose. C'est comme ça qu'on arrive à avoir une notoriété et à être reconnu par ses pairs.

Pierre Seillant avait souligné dans nos colonnes l'importance de posséder un joueur de 2,13 m pour viser plus haut en Euroligue, vous partagez ce sentiment ?

Tout à fait. Jean-Gaël Percevant a réalisé de très très bonnes prestations au niveau de l'Eureligue, parce que l'engagement physique est différent, parce que les arbitres laissent jouer les contacts en altitude, ce que l'on ne voit pas souvent en championnat de France. C'était donc une arme dissuasive dans la raquette. Après il est plus qu'évident que lorsque vous ne possédez qu'un seul gabarit de cette taille, les autres sont obligés de compenser pendant tout le match et sur la fin vous payez une certaine usure physique et les deux-trois rebonds importants vous échappent.

Dans cette optique, ne croyez-vous pas que L'ASVEL est trop dépendante de son adresse extérieure (12/42 aux tirs, soit 28,6% à trois-points en quarts) ?

Sonko dominé par Tarlac (Olympiakos)Je vais dire oui et non. Sur des matches comme l'Olympiakos, leur défense vous interdit l'accès au panier. Le jeu se fait donc sur des transferts à l'opposé pour libérer nos shooteurs extérieurs. Aucune équipe n'a été dominatrice dans le jeu intérieur face à eux cette saison. Un 4 qui sort à trois points, les embête beaucoup plus. Joakim Blôm leur a posé des problèmes lors du premier match en s'écartant. Mais là encore, le fait d'avoir à venir aider systématiquement pour contrôler le rebond fait que la fatigue s'accumule et, ajouté à leur pression défensive, on loupe les tirs cruciaux.

Vous avez malgré tout l'impression qu'ils étaient prenables ?

Oui, tout à fait. C'est un rouleau compresseur qui vous fait exploser sur la fin. Je suis persuadé que si l'on avait la possibilité, grâce à notre championnat, de constituer des équipes à leur image et de posséder des salles comme les leurs, on serait au niveau. Le problème des clubs français c'est qu'ils cherchent systématiquement l'exploit une fois qu'ils arrivent à ce niveau de compétition. Comme nous, en 1997 face à Efes Pilsen, il faut avoir des stratégies différentes, des idées et prendre des risques. Il faut profiter du fait que l'équipe qui reçoit se met la pression et que si elle perd elle ne va pas au Final Four. Mais pour avoir la possibilité de renouveler ce genre de performance tous les ans, c'est difficile. Mais le basket français n'est pas loin, il progresse. Le problème c'est que le basket français ne peut rivaliser que sous forme d'exploits et pas sur la longévité. Il pourra envoyer des équipes au Final Four ou pousser le lünder à une troisième manche mais avoir la sérénité et la sécurité, c'est une autre histoire.

Quel regard portez-vous sur votre parcours, comparé à celui de 1997 ?

L'Euroligue est plus forte. En 1997, l'arrivée des Bosman venait juste de débuter. Il y avait bien quelques grands gabarits venus renforcer les équipes mais c'était moins flagrant. Aujourd'hui des joueurs comme Oberto ont débarqué, ils vont dans certains pays et hélas la France n'est pas en mesure de rivaliser sur les troisquatre premiers marchés, elle doit se contenter de ce qui reste.

Avez-vous l'impression d'avoir appris entre ces deux années ?

Chaque expérience est très enrichissanté, mais le problème c'est qu'il faut construire des équipes qui puissent éventuellement rivaliser au plus haut niveau. Mais rivaliser dans la longévité, et pas simplement sur une ou deux saisons, c'est bien plus dur. On est conscients de ce que devrait être notre recrutement, mais nous n'en n'avons pas souvent les moyens et c'est dommage. Maintenant au niveau des enseignements, c'est positif même si on ne peut pas le mettre en application en championnat, car l'arbitrage est complètement différent.

La compétitivité des clubs français avait été remise en cause à la suite des mauvais résultats de l'an passé. Or, cette saison, deux clubs atteignent les quarts de finale. Comment expliquez-vous ces variations ?

L'Euroligue a tout de même un système de fonctionnement très particulier. Si vous avez le malheur de mal débuter le première phase, vous êtes quasiment éliminés, vous n'avez plus du tout de possibilité de revenir après. Vous n'êtes plus sifflés pareil parce que vous êtes dans le groupe du bas, c'est de plus en plus dur de s'imposer à l'extérieur car les équipes sont sous la menace de perdre une place pour leur pays. C'est ce qui est arrivé au PSG et à Limoges l'an passé. Uimportant est d'être ' ien placé à l'issue du premier groupe, après, on peut gérer. Preuve en est l'ASVEL qui a réussi à conserver sa deuxième place tout en perdant des matches. C'est aberrant, après le brassage des poules, tout est déjà décidé. Le reste, ce sont des matches pour faire de la recette. De toute façon, sur la question de la compétitivité des clubs français, il s'agit plus d'un problème de législation plutôt que d'un problème d'argent. Nos 40 millions de francs de budget représentent le budget de fonctionnement d'un club entier et pas la masse salariale des pros : les adminisii-aliis, ia section amateur, le staff technique, la gestion de la salle, les déplacements, etc... Nous pouvons néanmoins nous maintenir à ce niveau avec un budget identique, mais un changement de législation nous ouvrirait des horizons nouveaux.

L'ASVEL est une équipe en fin de cycle, cela rejaillit-il sur la pression que peut se mettre le groupe par rapport aux playoffs ?

Pour l'instant, les joueurs, comme les coaches en fin de contrat, nous ne sommes pas sûrs de notre avenir asvélien. Mais on se doit de tout mettre en oeuvre pour nous, notre travail, les efforts, la sueur, les heures passées dans la salle, on se doit de terminer sur la plus belle note. Il faut s'investir à fond par rapport à notre objectif principal qui était la conquête du titre. Certes, ça passe par des matches très difficiles, mais à ce stade de la compétition, il ne faut plus cogiter. Tôt ou tard il nous faudra bien éliminer des belles équipes. Le championnat est fait de telle manière qu'il faut enchaîner les matches. Il faudra être capable de se battre, si l'on a moins la possibilité de pratiquer un bon basket.

Pierre Seillant a déclaré être prêt à échanger un titre de champion de France contre une participation au Final Four. Est-ce un avantage de savoir les Palois concentrés sur un autre objectif ?

Attention, Pau tiendra sa qualification au Final Four avant d'avoir terminé ses quarts de finale de playoffs. Vous savez, nous sommes allés au Final Four il y a deux ans. C'est très bien d'en arriver là parce que l'on fait partie des quatre meilleures équipes européennes. Mais on a toujours cette volonté et cette fierté d'être roi en son pays. Donc, même si un président se doit de faire des choix pour orienter la volonté collective d'un groupe, quand on joue une finale, on ne joue pas pour la perdre.

D'un point de vue plus personnel, vous êtes en fin de contrat, quel est votre souhait pour l'an prochain ?

Il n'y a pas que mon souhait qui compte, mais également celui des gens qui vous emploient. On ne peut pas influencer un choix présidentiel. J'ai toujours dit qu'il est plus facile de faire confiance à une personne que l'on connaît depuis sept ans qu'à un inconnu. Maintenant il faut savoir ce que l'on veut faire, si l'on veut grandir. Quand on a la chance d'évoluer dans un club comme l'ASVEL, le but est d'être le plus performant possible au niveau européen. Si c'est pour y faire de la figuration, cela me paraît plus difficile à accepter.

Le recrutement de LASVEL est début de saison a été réalisé avec une perspective d'avenir, d'où la venue de Moustapha Sonko. Ne pensez-vous pas que sa présence, d'une certaine façon, a désorganisé la hiérarchie de l'équipe ?

On a passé l'année à tester des associations de joueurs, Tantôt Digbeu-Sonko, tantôt RuddSonko. Parfois ces associations étaient bénéfiques, d'autres fois non. Mais il est difficile de dire, tant que l'on n'a pas d'impression visuelle précise, et ce n'est pas le cas ici, que Mous a eu une mauvaise influence sur le jeu. Lui faire porter le chapeau en disant que sa présence a déstabilisé le groupe serait totalement injuste.

Une dernière question sur Pau. Comment voyez-vous la belle face au Kinder ?

Oh là !!! Tout d'abord, nous n'avons jamais été dans leur cas. Nous nous sommes qualifiés à l'extérieur face à Efes Pilsen. De plus, le deuxième et le troisième match se jouaient le mardi et le jeudi, donc il y avait moins de temps d'adaptation. Là, qui aura le plus de pression ? Honnêtement, je leur souhaite de passer, car c'est très dur de se retrouver éliminés à la porte d'un Final Four et de se dire, comme nous, que l'on a joué vingt et un matches pour rien. Mais peut-être que le discours des Palois dans une semaine, ce sera de dire qu'il y a encore de la protection en faveur des gros clubs...

Propos recueillis par Basket-Hebdo