"J'ai adoré être ici"

Delaney consolé par son ami Ronnie Smith ... Six ans après être arrivé à Villeurbanne, Delaney Rudd a tiré sa révérence après une finale ratée qui l'a profondément marqué. Mais l'homme se relèvera, parce qu'il aura étét l'un des plus grands champions que l'ASVEL ait connu.

SA CARRIÈRE à Villeurbanne s'est arrêtée à vingt-neuf secondes et cinq dixièmes de la fin de cette deuxième manche, à 74-62 pour Pau-Orthez. Blessé à la cuisse et encore plus au coeur, Delaney Rudd a rejoint une dernière fois le banc de l'ASVEL, qu'il avait découverte en 1993 et qu'il aura larqement contribué à ramener au plus haut niveau.
Une serviette sur les épaules, Mister «D», la tête entre les mains, n'a quasiment pas regardé les derniers instants de ce match de trop. Dès le coup de sifflet final, tous les regards de l'Astroballe se sont dirigés vers lui et vers ces larmes aussi sincères qu'émouvantes.
Pascal Dorizon, qui avait officié mercredi à Pau et qui était arbitre assistant hier, Jim Bilba, Grégor Beugnot, Josh Grant, Emmanual Davis et bien entendu Ronnie Smith, «grand frère» qui aura énormément fait souffrir les Villeurbannais sur cette finale, furent les premiers à venir le consoler.
Quelques instants plus tard, après avoir embrassé une dernière fois ses coéquipiers, il vint se confier en salle de presse où Claude Bergeaud-«Delaney a fait beaucoup pour le basket français, nous devons lui en être reconnaissant et je regrette pour lui qu'il n'ait pas pu avoir de sacre»- et Grégor Beugnot «même s'il a été mon souffre-douleur pendant six ans il a toujours su renvoyer l'ascenseur...si LASVEL est ce qu'elle est aujourd'hui c'est en grande partie grâce à lui ... il m'a énormément apporté ... j'ai découvert, chez lui aux Etats-Unis, quelqu'un de très attachant, de très généreux .. il s'est rapproché de moi pour le bien de l'équipe et du club. il m'a toujours défendu, je l'en remercie parce que ça, c'est grandiose pour la vie de l'équipe, il a été très, très important»- lui rendirent un vibrant hommage...

-Delaney, la pression émotionnelle de cette finale n'a-telle pas perturbé votre jeu?

«C'est vrai que, pour moi, cette finale était chargée d'émotion. Je suis évidemment très triste parce aue tout le monde a beaucoup tra@aillé depuis six ans. La consécration, c'était d'accrocher ce titre. Mais certaines fois dans la vie, les choses ne se passent pas comme on souhaiterait qu'elles se passent.»

-Cette fin aura-t-elle été la pire que vous auriez pu redouter?

«Bien sûr. C'était très impor tant pour moi de bien terminer ici mais Pau ne semble pas l'avoir compris! Nous avons fait ce que nous devions faire mais nous avons raté des shoots que nous ne ratons pas d'habitude et selon moi, les nuitjours de repos que nous avons eus entre la demi-finale et la finale nous ont été très préjudiciables.»

-1998-99 a-t-elle été la sai- son la plus difficile que vous ayez passée à Villeurbanne?

«Non, je ne dirai pas ça. Nous avons eu beaucoup de hauts et de bas, Personnellement je n'ai pas de regrets mais pour l'équipe, si. Nous avions le groupe qu'il fallait pour remporter le titre et elle ne l'a pas obtenu.»

-Quel souvenir garderez- vous de Villeurbanne?

«Le Final Four de Rome en 1997. Ce fut vraiment un moment très spécial. Quand nous avions débuté la saison, personne ne nous attendait à ce niveau-là. C'est, de très loin, le meilleur souvenir que je garderai.»

-Vous avez participé à la reconstruction de l'ASVEL. N'estce pas finalement votre plus grande fîerté?

Match aller à Pau«C'est effectivement quelque chose dontje serai fier toute ma vie mais je n'ai pas le sentiment d' avoîr été le seul à faire de L'ASVEL ce queue est aujourd'hui. J'avais autour de moi des jeunes qui sont aujourd'hui des adultes et qui sont capables de porter le flambeau pour faire de L'aASVEL une équipe forte. Certaines fois vous pouvez terminer dernier d'une compétition mais être quand même «intérieurement» champion pour la satis faction et le coeur que vous avez donnés pour accomplir une tache.»

-A quoi avez-vous pensé quand vous pleuriez sur le banc?

«Pfouh ... A tout .. Que j'ai adoré être ici, que cette histoire se termine, que je ne serai plus là la saison prochaine, que je n'ai même pas pu participer aux dernières secondes, Ce n'est pas un moment facile a vivre, c'est très difficile de prendre conscience qu'on devient une partie de quelque chose et que ça s'arrête. Ça remplit de douleur et de tristesse. »

-Concernant votre avenir, savez-vous où il vous mènera?

«Dans un premier temps, je vais rentrer en Caroline du Nord. Il n'y a actuellement rien de décidé. J'ai, de toute façon, accompli une grande carrière qui m'a totalement satisfait. Si, éventuellement, elle doit se terminer, je l'assumerai comme tel. Simplement, j'imagine avoir des opportunités cet été...»

-Vous imaginez-vous jouer dans une autre équipe en France que l'ASVEL?

«Ce serait vraiment très étrange. Il existe effectivement des équipes qui ont un style de jeu dans lequel je pourrais me fondre. Mais elles ne sont pas en train de détruire ma porte pour me faire des propositions! Quoi qu'il en soit, j'ai besoin de quelques mois pour penser à cette éventualité-là. »

-Marc Lefebvre a parlé d'un jubilé en votre honneur en septembre prochain. Viendrez vous?

«Bien sûr. Même si je ne suis plus joueur la saison prochaine je ferai fréquemment des visites pour voir jouer LASVEL.»

-A 36 ans, sentez-vous que votre match personnel tire à sa fin?

«Forcément. Il est évident que j . e ne peux plus faire les choses que je faisais à trente ans. Je ne peux plus marquer trente points par match mais je pourrais aider à structurer une équipe de joueurs talentueux pendant encore une saison.»

-Pourrions-nous vous re trouver en tant que coach?

«J'ai effectivement pensé à cela mais quand je vois l'estomac de Greg, je réfléchis!»

-Seriez-vous fier si un joueur refusait à l'avenir de porter le numéro 4, comme cela avait été le cas après le départ d'Alain Gilles?

«Ce fut un grand honneur pour moi d'être le premier joueur à porter le numéro 4 après Alain Gilles, pour qui j'ai un énorme respect. Oui, je serais fier si personne ne voulait endosser ce maillot la saison prochaine.»

-Vous avez vécu des moments très difficiles dans votre vie. Celui-ci est-il l'un des plus difficiles?

« Le basket est toute ma vie. Partir de L'ASVEL est une séparation, et toute les séparations sont difficiles à vivre ... »

Propos recueillis par LeProgres